Porteurs de Parole

Inventé en 2002 par l’association Lézards Politiques (dont je suis co-fondateur), peaufinée par l’association Matières Prises et diffusée, entre autres, par le Pavé (dont je suis co-fondateur) puis par les coopératives d’éducation populaire, cette méthode d’animation est maintenant bien établie dans le répertoire des pratiques socio-culturelles. Il suffit de se prêter quelques heures à l’exercice du Porteur de paroles pour mesurer l’excitation qu’il y a à simplement partir à la rencontre de quelques passants et la force de ces rencontres sur nos idées et nos conceptions du monde.

Le Porteur de paroles est un dispositif qui permet d’engager un débat dans un lieu public avec des gens que l’on ne connaît pas, à partir d’une question écrite en grand format. Même s’il y a des compétences à acquérir dans le choix du lieu ou de la question, dans l’approche des gens comme dans la menée d’entretien, cet exercice est toujours passionnant.

Il s’agit de permettre aux participants de vivre une multitude de discussions politiques à 2 ou 3 dans des espaces publics avec des passants (si ça se passe dans la rue) ou avec les gens présents (si ça se passe pendant un événement au sens large)

En guise de préparation : récolte des panneaux rigides de différentes dimensions, des marqueurs, de quoi accrocher ces panneaux sur le lieu de l’intervention et repérer correctement ce lieu. Et se former à l’intervention dans l’espace public.

Quant à l’animation : Il faut tout d’abord réunir une équipe de volontaires pour se lancer dans cette aventure. Puis déterminer un sujet de discussion. Puis une phrase d’accroche (souvent une question) reproduite en très grand format et affichée dans un lieu de passage. Puis récolter des réponses en questionnant les gens qui s’arrêtent devant la phrase d’accroche ou les réponses déjà affichées. Ce dispositif est un stratagème pour permettre des rencontres mais n’induit pas l’intention qu’il y a à créer ces rencontres. C’est tout l’enjeu du stage de 4 jours que nous proposons autour de cet outil.
Puis afficher les nouvelles réponses en les écrivant sur des grands formats Et construire ainsi un décor constitué des réponses des gens. Au bout d’un moment, le dispositif peut fonctionner « seul », les gens discutant spontanément entre eux du thème proposé.

NdlR : Cette méthode est faussement simple et contient au moins 4 écueils :
poser une question à laquelle on a la réponse, car elle transforme les animateurs en militants prosélytes faisant fuir tout le monde sauf leurs clones
se placer au mauvais endroit ou au mauvais moment, car les gens étant libres de participer ou non, ils ne se priveront pas de vous laisser seuls avec vos panneaux
Se positionner comme militant prosélyte ou comme sondeur pendant les rencontres : soit on cherche à convaincre l’autre (cette posture va se sentir, même de loin, et vous serez seuls avec vos panneaux), soit on récolte simplement l’opinion des gens (ce qui « fonctionne » mais quel en est le sens ?)
Avoir une pauvreté de sens dans les réponses affichées : si toutes les réponses vont dans le même sens, alors le dispositif n’est plus un lieu de rencontres mais de conversion à cette idée, ce qui n’attirera que les déjà-convertis (et encore) ou les volontaires à la conversion (très peu nombreux). Si les réponses ne contiennent pas d’ambivalences, de doutes, de complexité, de singularités ou de particularités, bref si elles sont plates comme des slogans ou des idées reçues, alors ça fonctionnera aussi mal qu’un mur d’expression libre : certains viendront s’y défouler et personne ou presque n’ira lire ou discuter devant.

Variantes : il y en a tellement ! Suivant que l’on souhaite animer un marché, le temps informel d’un colloque, le hall d’entrée d’une MJC ou une enquête publique dans un quartier, les paramètres seront évidemment différents. Cependant et dans tous les cas, ce dispositif a le mérite de pouvoir faire vivre facilement des interactions multiples dans un espace public. Les animateurs du dispositif sont à chaque fois éberlués de la simplicité à entrer en contact avec les gens (qui ne demandent que ça, à condition qu’ils aient la place de « participer », ce dispositif en ait une preuve flagrante), et de la joie qu’ils en ont retirés. Alors même que les expériences équivalentes avaient souvent occasionnées de la gêne (le stand auquel personne ne vient), du ridicule (la criée publique ou autres tentatives de passer par du spectaculaire) ou du découragement (comme le porte-à-porte).

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