#3 – Comment animer des réunions participatives ?

Pourquoi animer une réunion de manière participative ?

Qu’est-ce qu’une réunion qui ne serait pas participative ? Ce serait une réunion « descendante », un briefing, une séance d’information, c’est-à-dire un moment pendant lequel les participants à la réunion seraient passifs.

Soit vous avez le pouvoir de les contraindre à vivre ce genre de moments, … par exemple parce qu’il y a un lien de subordination entre eux et vous…, soit vous ne l’avez pas. Si vous ne l’avez pas, il est utile de se demander si les participants s’y retrouvent à être passifs, et s’ils souhaiteront revenir à vos prochaines réunions. Il est alors probable que vous cherchiez alors à rendre vos réunions plus participatives.

Toutes réunions a ses codes implicites et se rendre à une réunion sans les connaître créé de l’appréhension. Les codes classiques de réunion : arriver à l’heure, suivre un ordre du jour, se présenter, demander la parole, l’attendre, argumenter ses propos, être clair et concis, se positionner du tac-au-tac… sont des situations créant de l’appréhension, voire de l’effroi, chez beaucoup de personnes.

C’est en concevant d’autres manières d’animer des réunions que vous pourrez être rassurant et motivant dans votre manière d’inviter à une réunion. Des personnes viennent d’autant plus facilement à une réunion qu’elles se sauront accueillies, c’est-à-dire ni ignorées ni jugées ni rejetées.

Le sens de l’accueil

Dans le milieu associatif français, il est à peine caricatural de dire que l’accueil d’une personne dans un local associatif revient à lui offrir un café, si possible bio voire équitable et de reprendre ses activités en la laissant seule, ce qui est intimidant. Ce léger malaise qui peut alors exister à partager un même espace sans se parler peut être dur à dépasser.

Comment mettre à l’aise les personnes arrivant à une réunion, a fortiori si elles sont nouvelles ou peu à l’aise avec les codes de la réunion ? En étant soi-même à l’aise ! Se proposer d’accueillir les personnes arrivant à une réunion comme on les accueillerait chez soi, voilà le meilleur conseil ! Les laisserait-on seules dans le salon avec un café si elles sont en avance ? N’aurait-on aucune attention à des personnes arrivant en retard ? Faudrait-il demander la parole pour l’avoir ?

Si cette rencontre avait lieu chez vous, prendriez-vous le temps de prendre quelques nouvelles de chacun ? Devant tout le monde ou en aparté ? Y aurait-il un moment « d’accueil », avec boissons et en-cas ? Quel y serait votre rôle ? Vos réponses vous donneront votre rôle pendant une réunion si vous en êtes l’organisateur. C’est un rôle à part entière, qui nécessite de ne pas être au cœur de toutes les discussions pour être disponible à l’accueil, tout au long de la réunion.

Commencer par donner la parole aux participants

Quand on arrive à une réunion, on a souvent beaucoup de sujets en tête, qui ont peu rapport avec la réunion : ai-je payé la cantine de mes enfants ? Ai-je répondu au mail de Valérie ? Et le rdv avec le garagiste ? Et les billets de train pour les vacances ? Toutes ces pensées ne vont pas s’arrêter si on est passif, à écouter quelqu’un par exemple. C’est ce qui amène alors à sortir son smartphone et à régler ses petites affaires.

Pour impliquer chaque personne dans la réunion, il est efficace de faire en sorte que chacun puisse s’exprimer sur un sujet commun, peu importe le sujet en fait. Que chacun s’exprime nécessite de ne pas faire des groupes de plus de 4 personnes, car la timidité va sinon en amener certaines à renoncer à la parole.

Ce sas, entre sa vie et cette réunion, va amener chacun à écouter activement quelques autres personnes, ce qui va l’obliger à mettre de côté toutes les pensées « parasites » – cette to-do list mentale qui s’active quand on a un moment de libre. Et le fait que chacun s’exprime fait sauter d’entrée de jeu le fait que la parole ne soit réservée qu’aux VIP de la réunion, les autres faisant office de public. Exemple de sas : se balader par groupe de 3 pendant 30mn, laissant à chacun 10mn pour exposer ses attentes, ou raconter une anecdote, ou donner son point de vue sur un sujet…

Que fait-on ensemble ?

Les sujets qui seront abordés au cours de la réunion sont souvent définis en amont, généralement à l’aide d’un outil collaboratif numérique pratique mais inutilisé par la plupart donc inopérant. Et puis inscrire un point à l’ordre du jour nécessite de prendre le pouvoir sur le groupe, en osant imposer, de son initiative, un point à l’ensemble du groupe. Le signifier à l’avance et par écrit nécessite d’assumer cette prise de pouvoir. Et ça ne va pas de soi pour tout le monde.

Il n’y a souvent que les personnes les plus légitimes qui vont s’autoriser à influencer une réunion en proposant des points à l’ordre du jour. Puis ce sont souvent les mêmes qui vont ensuite s’autoriser à donner leur avis, à convaincre de leur position, etc. Cette légitimité vient en plus souvent d’une position de dominant : ce sont souvent les personnes blanches, masculines, âgées, diplômées, aisées qui dominent le champ de la parole dans une réunion.

C’est pourquoi il est utile de construire collectivement l’ordre du jour au début de la réunion, même si celui-ci a déjà été préparé en amont, en veillant à ce que chacun se sente autorisé à rajouter « ses points ». Si la taille de l’assemblée est intimidante pour certains, il peut ici être utile de prendre un temps en petits groupes pour recueillir les points à traiter pendant la réunion.

De même, l’ordre dans lequel traiter les différents points gagne à être défini collectivement car il implique chaque participant dans le respect de cet ordre du jour. Le pouvoir du groupe sur l’ordre du jour est un indicateur très net du degré de participation attendu des participants par l’organisateur.

Qu’est-il attendu des participants ?

Les différents points à traiter durant la réunion sont intitulés par leur thème. Mais le thème ne dit rien de la nature de ce qui est attendu des participants. S’il y a par exemple le point « prochaine assemblée générale », s’agira-t-il d’imaginer le déroulement ? De rédiger les invitations ? De valider le budget ? De réfléchir à la soirée festive ?

Il y a de nombreuses échelles de participation explicitant les différents degrés possibles d’implication de chaque participant dans les points traités, de la passivité à la co-décision, en passant par la consultation ou la concertation. Regarder ainsi l’ordre du jour rend lisible ce qui est attendu des participants.

Et indépendamment du thème des points à traiter, s’agira-t-il pour eux d’écouter poliment d’un bout à l’autre de la réunion ? Y aura-t-il des décisions à prendre ? Des temps de créativité ? Des débats préparant une future décision ?

Et indépendamment du type de participation attendu, quel type de parole est attendu ? Les codes de la réunion induisent que les prises de parole doivent être des arguments clairs et concis amenant à une proposition construite et adaptée. Ce qui ne rend pas la prise de parole aisée pour tout le monde. Je me demande parfois si notre modèle inconscient de réunion ne serait pas « le conseil des ministres », avec son protocole et ses paroles lisses au service du président, pour nous parer du sérieux et de l’efficacité de ce type de réunion. Est-ce réellement sérieux et efficace ? Est-ce adaptée à des bénévoles et des volontaires ? Les participants doivent-ils exécuter des ordres transmis du dessus ? Doivent-ils à l’opposé tout définir par eux-mêmes ? Quelles valeurs souhaite-t-on porter à travers les processus que nous proposons dans nos réunions ?

Et pourquoi ici aussi ne nous inspirerions-nous pas de ce que l’on fait « à la maison » ? Avec nos amis dans notre salon, il y a bien des arguments échangés lorsqu’on discute d’un sujet, mais il y a aussi des anecdotes, des envies, des récits d’expérience, des blagues, des souvenirs, des associations d’idées…

La gestion de la parole

Ce qui permet de savoir tout de suite où on se trouve, c’est la manière dont la parole est gérée au sein d’un groupe. Est-elle contrôlée ? Sur quels aspects ? Par qui ? Avec quelles intentions ? Est-ce nécessaire ? Efficace ? Sur quels critères ? Quels effets sur les participants ? Est-ce propice à inviter des personnes extérieures ?

Un groupe va attirer et fidéliser des personnes partageant ses codes, sa culture, ses valeurs. Répondre aux questions de ce texte, c’est voir se dessiner le profil des participants qu’il faudrait rechercher pour vos réunions. Ou voir se dessiner les changements à opérer dans le fonctionnement du groupe pour pouvoir y accueillir des profils différents.

Une réunion se caractérise entre autres par sa gestion de la parole souvent stricte. Ce qui rigidifie aussi les discussions, réserve la parole aux personnes qui ne sont pas dérangées par ces contraintes, et rend difficile la spontanéité et la fluidité nécessaires à une discussion vivante.

Ne pourrait-on pas commencer une réunion sans aucune règle spécifique sur la parole, et en fixer au fur et à mesure selon les problèmes qui se posent au groupe. Si une seule personne monopolise la parole, faut-il établir une règle de temps pour tout le monde ou discuter avec cette personne de ses prises de parole ?

Et si les règles n’étaient pas les mêmes pour tout le monde ? Et s’il fallait contraindre certaines personnes à limiter leurs paroles et en aider d’autres à la prendre plus souvent plutôt que de chercher des règles ou des outils pour gérer la parole dans une réunion sans avoir à se poser ces questions ?

Et si on faisait autre chose que des réunions ?

Et s’il y avait des moments dans lesquels des contraintes sur la parole existent, comme des moments de prise de décision, et d’autres sans contraintes sur la parole, comme un repas, une soirée-jeux ou une séance cinéma ?

Dit autrement, si la seule chose qui est proposée aux participants d’un groupe, c’est de se réunir, même de manière participative, il est probable que le désir de s’impliquer s’émousse. Il y a donc un équilibre à trouver entre le temps consacré aux réunions et le temps consacré à l’action.

Et encore au-delà, il y a un équilibre à trouver entre le temps consacré à la cause commune aux participants, que ce soit lors d’actions ou de réunions, et le temps consacré à être ensemble pour le plaisir ou pour célébrer nos actions.

Mais nous reste-t-il des moments gratuits, sans enjeux, dans nos fonctionnements collectifs ? Car ce sont souvent ces moments, parce qu’ils sont gratuits, qui sont les plus fédérateurs, facilitant l’inclusion et la participation de toutes et tous au fonctionnement du groupe.