Outils pour discuter

Je reproduis ici la rubrique « outils pour discuter » qui était présente sur le site de la Scop le Pavé, qui a disparu d’internet il y a déjà quelques années.

Débats mouvants

Durée : 10mn , Nombre : illimité, aménagement : espace vide

Désir : comprendre les tenants et les aboutissants d’une situation en un temps court pour mettre « à niveau » tous les participants en début de séance.

Préparation : trouver des affirmations clivantes, c’est-à-dire une phrase simple résumant une position sur un sujet dont on suppose qu’elle divisera le groupe en « Pour » et « Contre ». Exemple utilisé dans la conférence gesticulée sur le syndicalisme : le syndicalisme est utile et efficace.

Animation : Rassembler les participants debout et groupé, Proposer l’affirmation et enjoindre les participants à choisir leur camp par rapport à une ligne au sol divisant l’espace en 2 parties devant l’animateur. Laisser 1mn pour choisir son camp. Expliquer que chaque camp aura alternativement la parole pour exposer un argument. Les personnes convaincues peuvent changer de camp, et sans honte, vu que normalement tout le monde souhaiterait se mettre en milieu, les choses n’étant pas noires ou blanches. Les personnes ne pourront prendre la parole qu’une seule fois. Et l’animateur n’a ensuite plus qu’à distribuer la parole et couper le débat mouvant une fois le temps écoulé, ou bien toutes les personnes dans le même camp ou bien quand les arguments se répètent.

Variantes : Une variante consiste à donner la parole à celles et ceux qui changent de camp, pour en comprendre les raisons. Une autre variante est appelée « rivière du doute » : on rajoute un espace au centre pour celles et ceux qui ne parviennent pas à prendre position sur une berge ou une autre. Chaque berge cherche alors à convaincre les personnes prises au doute.
Une autre variante vise à laisser un temps de préparation en petits groupes dans chaque camp avant l’échange d’arguments entre les 2 camps. Cela peut permettre à chacun d’avoir des arguments à donner. Cela créé en même temps une cohésion au sein de chaque camp rendant les changements de camp plus difficile. Une autre encore à écouter d’un bloc tous les arguments préparés par un camp puis par l’autre puis se réunir à nouveau au sein de chaque camp pour fournir réponses et questions face aux arguments du camp d’en face. Et puis tellement d’autres variantes combinant et complexifiant les variantes proposées ici !

NdlR : Un débat mouvant peut ainsi devenir une méthode d’animation de grands groupes sur des temps de plusieurs heures permettant d’alterner petits groupes et grands groupes et de réfléchir ensemble à une situation complexe, voire ensuite d’y faire des propositions, voire même d’aller vers un débat-pétale pour arbitrer ces propositions.

Gro-débat

Durée : 1h30 , nombre : illimité, aménagement : tables de 5/6 personnes,

Désir : permettre à chacun de trouver sa place dans un débat avec un grand nombre de personnes (plus de vingt), faciliter la réflexion collective et l’orienter vers l’action collective

Préparation : choisir les thèmes des différentes tables, aménager l’espace. Sur chacune des tables, le thème est indiqué (exemple : relations salariés / bénévoles, le financement, relations aux habitants, la grosse action du groupe…). Il peut aussi l’être sous formes d’affirmation, type débats mouvants : les salariés sont des bénévoles professionnels, il faut prospecter les fondations privées, trop peu d’habitants connaissent nos actions, notre grosse action, elle était mieux avant… ou bien sous forme de question : à quoi servent les salariés ? Quelle éthique sur nos financements ? Notre association / structure manque-t-elle de publicité dans le quartier ? Et si on arrêtait notre grosse action ? Nous laissons toujours au moins une table sans thèmes.

Animation : un premier temps de 5mn consiste à déambuler pour découvrir les thèmes et choisir sa table. Les participants ne doivent pas tenir compte du nombre de places : si une table est vide, le thème est supprimé, s’il y a 10 participants sur une table, il faut alors scinder le groupe en 2 tables distinctes mais sur le même thème.
Une fois les participants installés, il ne reste à l’animateur qu’à trouver un système pour que les groupes passent d’une consigne à l’autre au cours de ce GrO-DéBaT. En effet, nous découpons le temps imparti en 4 phases, identiques pour toutes les tables : la première consiste à ce que le groupe réponde à la question : « c’est quoi le problème ? ». Il ne s’agit pas d’être d’accord au sein du groupe mais de lister l’ensemble des problèmes vu au travers du thème.
Il est d’ailleurs intéressant d’avoir un court temps individuel de 1 à 2 mn, au début de chaque phase pour que chacun ait le temps de se demander quelles pourrait être ses idées avant de se faire embarquer par la discussion collective et les idées du premier à prendre la parole. Puis une deuxième phase intitulé « dans l’idéal ? », une troisième nommée : « vos propositions ? » et une quatrième, optionnelle, consistant à choisir une des propositions émises à la troisième phase et à réfléchir à sa mise-en-oeuvre concrète. Un temps de 15 mn par phase nous semble un minimum, l’idéal se situant autour des 30 mn par phase.
Vient ensuite l’épineux moment de la restitution. Épineux car il y a une tendance à écouter son rapporteur pour vérifier ses propos et à se désintéresser des autres rapporteurs, et donc à s’ennuyer. Parfois à s’ennuyer aussi en écoutant les autres rapporteurs. Les participants sortent d’un temps de débat plutôt long et dans un petit groupe et sont donc impliqués et immergés dans leur thème et leur petit groupe. Il est alors difficile de recevoir une matière dense, brute et multiple, de par le nombre de rapporteurs. Nous proposons alors de supprimer ce temps de restitution et de le remplacer par une compilation des comptes-rendus réalisés par le secrétaire de chacune des tables, soit nommé en amont du GrO-DéBaT soit au début de la première phase. Cette compilation peut être envoyé par mail ou courrier et sans doute d’autres moments de l’association permettront d’arbitrer sur toutes ces propositions.

Variantes : permettre à chacun de changer de tables quand bon lui semble. Ce qui induit que le nombre de personnes par table est indifférent. Ou bien, au gong sonné toutes les 10 mn, demander à une personne par table de changer de table. Ce qui nécessite d’accueillir la nouvelle personne mais nourrit le groupe régulièrement d’apports extérieurs.

NdlR : Nous proposons de faire de cette consigne le cœur de l’animation d’une assemblée générale. Car elle permet à chacun de se sentir utile et d’entrer vraiment dans les choses. Elle nécessite peu de préparation et est plutôt simple en terme d’animation. Par contre, elle nécessite d’avoir la confiance nécessaire du groupe pour qu’ils puissent réfléchir à un thème et s’imaginer que leurs propositions seront réellement étudiées… Cela fonctionne donc difficilement si au sein du groupe réuni, le savoir ou la décision sont au mains de seulement quelques personnes.

Boule de neige

Durée : variable, nombre : 40 maximum, aménagement : tables séparées

Désir : permettre à chacun, et surtout aux plus timides, d’émettre ses idées dans un grand groupe, permettre d’échanger correctement et de s’approprier un ensemble de propositions,

Préparation : aucune

Animation : demander à chacun de trouver un nombre d’idées fixées à l’avance (entre 3 et 5 généralement) sur le thème de ce temps de réunion. Puis proposer de se mettre par 2, et de s’expliquer puis cumuler les idées présentes sur un papier, en fusionnant les idées similaires. Refaire la même démarche à 4 puis à 8. Il est fastidieux de reprendre alors la démarche à 16. Il vaut mieux alors passer en retransmission à l’ensemble du groupe.

Variantes : une variante consiste à remplacer la retransmission plénière par des petits groupes composés de membres de chacune de nos boules de neige. Chacun devient alors le rapporteur de sa boule de neige au sein de ce nouveau petit groupe.
Une autre variante change tout puisqu’elle transforme une manière de recueillir et partager de la réflexion en un outil de décision : il s’agit de choisir individuellement un seul élément parmi plusieurs (par exemple après un brainstorming). Puis en choisir un seul une fois en groupe de deux, puis un seul en groupe de 4, etc.

Banque de questions ou études de cas

Durée : au choix ! Nombre : illimité, aménagement : en cercle, avec ou sans table

Désir : aborder une multitude de sujets sur un thème donné tout en facilitant l’expression de chacun

Préparation : Réfléchir aux paramètres de cette consigne. Papier et crayons

Animation : Inviter les participants à écrire individuellement sur des papier leurs questions, pour construire une banque de questions, ou bien une situation vécue en lien avec le thème, pour construire des études de cas. Une question ou une situation par papier. Il faut évidemment décider à l’avance et dire qui va répondre aux questions ou se positionner dans les études de cas proposées. Comment utiliser ces papiers ?

Variantes : Cette consigne peut servir à animer une rencontre avec un « expert » mais aussi à ce que chacun réponde ou se positionne, par écrit, par oral ou dans l’espace, ou bien encore en répondant ou se positionnant par équipe, avec ou sans système de compétition entre les équipes. Dans tous les cas, il faut décider si on souhaite utiliser tous les bouts de papier ou non, et si le temps nous est compté ou non. Ce qui peut créer un rôle de maître du temps si un délai par papier est choisi. Si tous les papiers ne seront pas utilisés (le plus fréquent), il faut alors décider si ces papiers sont tirés au sort ou triés et hiérarchisés soit par celles et ceux qui devront répondre, soit par le groupe entier (par exemple en invitant chacun à mettre 3 bâtons en face de ses choix sur une affiche récapitulant tous les papiers).

NdlR : Rendu à ce niveau de lecture, on peut déjà s’amuser à mixer les consignes. Nous utilisons celle-ci en préambule d’une projection d’un documentaire ou en introduction d’un colloque en demandant aux participants de livrer à l’assemblée une question après 10 mn d’échanges en groupe de 3. Ces questions peuvent alors être collectées mais personne n’y répondra. Elle met les cerveaux en mode « On » et c’est justement l’absence de réponse qui suscite la curiosité pour la suite.

Brainstorming – Associations d’idées

Durée : 20 mn maximum, nombre : illimité, aménagement : tableau ou affiche

Désir : ouvrir l’imaginaire du groupe, recenser des idées, faciliter la créativité et la spontanéité

Préparation : aucune

Animation : donner un thème et proposer ensuite de récolter toutes les idées qui viennent à l’esprit des participants. Il est important qu’il n’y ait pas de jugements au cours de la séance : toutes les idées sont les bienvenues. Ne devoir dire que des choses intelligentes est une pression psychologique poussant une immense majorité au silence et les autres dans l’arène des tribuns. Un climat d’empathie et de bienveillance est donc nécessaire.

NdlR : C’est un outil puissant Plusieurs de nos consignes sont des des brainstormings déguisés. L’antidote à la coopération consiste à demander aux participants toutes les manières qu’ils connaissent de faire foirer la coopération dans un groupe. Notre « libérez l’imaginaire » consiste à demander aux adhérents d’une association les actions qu’ils rêveraient de réaliser s’il n’y avait pas de contraintes. Dans l’atelier suivant la conférence gesticulée sur l’école, nous demandons aux participants de lister les alliés possibles sur leur territoire sur la question de l’école et c’est à chaque fois une liste qui n’en finit plus. C’est aussi une manière de nommer notre représentation d’un sujet. Nous demandons parfois aux participants de nous livrer les mots qui leur viennent en tête à partir du mot réunion. Et on se demande après pourquoi les gens ne viennent pas dans nos réunions…

Arpentage

Durée : 2 à 3 heures, nombre : 15 maximum, aménagement : aucun

Désir : Lire un livre en peu de temps et collectivement. Permettre à un groupe d’acquérir des savoirs communs, de s’approprier des références communes, et donc de sortir des dominations par le savoir, et à chacun, et surtout aux non-lecteurs, de s’offrir le luxe et le plaisir de découvrir des pensées, des auteurs ou des théories, qu’on ne serait pas allé chercher sans ça.

Préparation : choisir le livre à arpenter et en récupérer un exemplaire qui ne pourra être rendu…

Animation : le groupe va d’abord échanger sur ce que chacun devine du contenu du livre, par ses propres savoirs ou par l’objet-livre en lui-même (l’épaisseur, l’éditeur, l’impression, les polices, la couverture, l’auteur, le thème…). Les ressentis sont les bienvenus : « c’est gros, ça doit être chiant ». Puis vient le moment difficile pour certains où le livre va être déchiré en autant de morceaux qu’il y a de participants. Chacun va alors prendre le temps de lire son morceau de livre puis de répondre à quelques consignes définies à l’avance du type : quelles sont tes impressions de lecture ? Quelles questions tu te poses après cette lecture ? Qu’est-ce qui t’a marqué ?
Vient alors le temps des retrouvailles en groupe où chacun va pouvoir livrer ses réponses. Il y a alors évidemment de nombreuses variantes pour se raconter tout ça.

Variantes : il peut y avoir, ou non, une prise de notes de cette discussion, pour faire une fiche de lecture (subjective) de ce livre. Les réponses individuelles peuvent être écrites sur des post-it qui seront ensuite affichées sur des panneaux au fur et à mesure des prises de paroles. Les prises de parole peuvent être chronologiques ou bien aléatoires. Il est aussi possible de partager le livre entre des binômes, pour que 2 personnes aient lu chaque morceau.

NdlR : Cette méthode vise à émanciper d’un rapport au savoir douloureux pour bon nombre d’entre nous et bien évidemment renvoyant aux usages proposés par l’école de la lecture. Dans tous les cas,
il faudra donc déculpabiliser les participants par rapport à ce vécu, et donc ne pas du tout proposer de faire un résumé des idées contenues dans son morceau de livre ou de devoir dire des choses intelligentes par la suite. Et, étrangement, en ne partageant que des ressentis sur des morceaux du même livre, une alchimie s’opère et chacun a le sentiment de s’être mieux approprié le contenu de ce livre que s’il l’avait lu in extenso lui-même. Sans doute, car cette méthode permet une prise de recul sur les contenus et facilite une critique dure à formuler soi-même car nous sommes d’habitude seuls face un écrit construit.